Ne faites pas attention à ma peau noire : c’est le soleil qui l’a brûlée…
La lecture de ce paragraphe donne l’impression au lecteur de lire un auteur qui semble ironiquement, avec beaucoup d’humour, se moquer des Noirs, de leur peau foncée, brûlée par le soleil. « Cahier d’un retour au pays natal » est l’œuvre la plus connue d’Aimé Césaire, l’un des pères de la négritude, mouvement politico-littéraire qui, dans les années 1930, revendiquait l’identité noire.
Comme le titre ( Cahier d’un retour au pays natal ) le dévoile clairement, ce livre est en effet une sorte de poème qui crie à la révolte contre l’inhumanité. Il met en lumière l’oppression de certains individus envers d’autres, l’aliénation de la conscience, et la manière dont on attribue une identité à quelqu’un en se basant sur la couleur de sa peau. Aimé Césaire appelle la conscience de l’humanité, dénonçant l’utilisation passive des Noirs et prenant leur défense :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouches. Ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir »
Lire Césaire, et surtout son « Cahier d’un retour au pays natal », n’est pas une tâche facile. La beauté du texte, bien qu’elle puisse captiver le lecteur, rend sa compréhension très exigeante. Parfois, il donne l’impression de faire l’apologie de la haine, comme dans ce paragraphe :
« …aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force, et il est ouvert pour tous au rendez-vous de la conquête. »
Entre poésie et prose, Césaire dépeint le racisme. Cela semble un peu ironique, pourquoi Césaire, un auteur français dont la culture est également française, souhaiterait-il quitter la France pour la Martinique, se rejetant ainsi lui-même de la France ?
« Va-t-en gueule de flic, gueule de vache, va-t-en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance »
Ainsi, Césaire tourne le dos à la France pour retourner à ses racines, une terre dont les habitants ont été réduits à des nègres, traités comme du papier hygiénique, soumis et obéissants à l’ordre du colon. Une souffrance qui engendre des poètes, des poètes à la parole impuissante, des poètes dont les mots sont impuissants face à ceux du colon. Césaire ne perd pas confiance, il proclame :
« …un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. »
Oui, un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. Bienvenue, Césaire ! Bienvenue dans la jungle, l’aventure de la jungle : un être humain humain blanc domine un être humain animal noir. Conscient de son identité et de la passivité de ses semblables face aux traitements qu’ils subissent, Césaire frappe à la porte de l’homme blessé :
« J’ai longtemps erré, et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies. »
Césaire n’est pas seulement français ou martiniquais, il est noir, un homme à la peau opprimée, dominée, réduite à néant, battue. Il tente de retrouver la grandeur africaine :
« Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte…Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai »
Ainsi, le chantre de la négritude, à travers son « Cahier d’un retour au pays natal », se révèle être un prophète d’un nouvel humanisme. Ce livre est sans aucun doute le plus puissant ouvrage de la négritude, moins académique que celui de Senghor, plus ample que celui de Damas. Avec la complexité de ses mots à double sens, ses métaphores et ses formules anaphoriques, « Le Cahier d’un retour au pays natal » est un véritable monument littéraire sur la négritude.
Joshua Desvers vautour