
Par la rédaction
Un film dont il est la vedette, un poste d’égérie d’une marque de cosmétiques, un très attendu nouvel album (Cullinan) : 2022 marque l’année du grand retour pour Dadju. Mais était-il vraiment parti ?

« J’aime trop la musique, c’est toute ma vie, mais je ne veux pas mourir sur scène ! » Ainsi parlait Dadju en 2018, alors que son album Gentleman 2.0 commençait son irrésistible ascension, avec un cumul de 750.000 exemplaires vendus (certification Disque de Diamant), faisant de lui une révélation de l’industrie, à l’égal de son frère Gims.

Les jaloux qui avaient tablé sur un coup de chance ont dû maigrir, pour reprendre la fameuse formule de Mokobé du 113, avec le triomphe en 2020 de Poison ou antidote, qui a dépassé la quadruple certification platine, notamment grâce aux deux singles Grand bain et Melegim, en featuring avec Ninho et Soolking. La recette de Gentleman a été dupliquée : un album en deux parties (la seconde sous-titrée Édition Miel Book) afin de multiplier les streams, et aussi parce que le chanteur estimait que : « l’album n’a(vait) pas fini de vivre, et je sors un album pour le défendre jusqu’au bout ».

En 2022, la situation a évolué pour Dadju : le challenger a définitivement accédé au titre de champion des ventes, avec des centaines de millions de vues YouTube et plus d’un million d’équivalents ventes pour ses deux albums. De plus, il est devenu égérie pour la marque L’Oréal, comme on a pu le voir dans les spots télévisés aux heures de grande écoute.
Cinéma et musique

Et son actualité est double. D’abord un film réalisé par Nils Tavernier, Ima, dans lequel Dadju tient le rôle principal, le sien. La trame est simple, Dadju se rend à Kinshasa, la ville dans laquelle il a grandi, pour un concert événement. En parallèle, un riche homme d’affaires convainc le chanteur de donner un concert privé dans son domaine.

Et c’est ainsi que Dadju va « tomber love », comme dirait Damso, d’Ima, déclenchant une série de péripéties amoureuses. Les deux personnages principaux trouveront-ils l’amour ? Sans spoiler, on aura compris que le suspense n’est pas le principal argument de cette comédie romantique dont l’actrice principale n’est autre que Karidja Touré, découverte en 2014 dans Bande de filles, le troisième long-métrage de Céline Sciamma, alors qu’elle n’avait que 20 ans.
Tourné à Kinshasa en trente jours durant le caniculaire été 2021, Ima n’est pas un biopic, et on est loin de 8 Mile en termes d’ambitions cinématographiques.

Mais le vrai challenge pour Dadju, c’est ce disque de 17 chansons, Cullinan, dont le premier single fut King, sorti mi-février, qui en est déjà à presque vingt millions de vues.
Après le titre Queen, c’est ce qui s’appelle revenir sans risque. Là où nombre d’artistes dits « urbains » se complaisent dans un style ghetto avec drone en survol au-dessus de la cité et plans dans les cages d’escalier, Dadju la joue grand luxe dans son clip où il roule notamment en Rolls-Royce sur le périph. Signalons une curieuse originalité à ce single à succès : Dadju s’y adresse… à l’ex de sa copine. Un twist étonnant, mais qui plait, visiblement.
Amour toujours


La dominante de cet album, c’est bien sûr l’amour toujours, sous tous les angles et à toutes les sauces, avec ce tempo afro qui est dans l’air du temps, pas très éloigné de celui d’artistes comme Aya Nakamura. L’analyse des paroles n’est guère nécessaire, et sur certains morceaux, on a l’impression que les mots s’enchainent plus à cause de leurs sonorités que de leur sens, comme sur Garde du cœur où l’on entend des phases étranges comme ce « Allez erre en Espagne, coké, coké jusqu’à midnight, à la maison, tu mettras le pagne/ On n’entendra jamais ce qui se passe, jamais ce qui se passe, posé tout en haut de la montagne ».

Dans Toko Toko, où Dadju invite la chanteuse Ronisia (qui a déjà fait des duos avec Tiakola, Ninho et Eva), le son là aussi prédomine sur le sens, comme dans ce passage : « Tu rends jaloux un tas d’hommes, c’est dingue, dingue/ Et on tire l’un pour l’autre, ça fait ‘Bang-bang’/ On se sait sans se regarder, c’est dingue, dingue ». Single potentiel, le duo avec Hamza, Safari. Dans ce titre, le crooner belge auto-tuné apporte une touche sexuelle avec la métaphore « Je t’accorde 50 Minutes Inside comme Nikos », allusion à double sens, l’émission people de Nikos Aliagas sur TF1 et l’acte sexuel. Mais globalement, on comprend bien que Dadju a calibré son album pour qu’il plaise au public le plus large, au sens familial du terme.
Quelques autres invités viennent compléter la guest list, dont Gazo, le nouveau king du featuring, sur Picsou, mais aussi Imen Es sur L’Officiel et Rema sur One Time. Les fans qui attendaient une réunion des deux frères devront encore attendre, même si Dadju affirmait récemment : « Un duo avec Gims ? Tout est possible ».

S’il fallait faire un reproche à Cullinan, ça serait l’absence de prise de risques. Le son de Dadju, façonné par des beatmakers tels que Ponko & Seysey (Safari), Banks Ranks & Kel P (Toko Toko) ou Léo Brousset, Latimer & DJ Erise (Petites attentions), ne dévie jamais de la ligne directrice du super lover. Mauvaise Déduction, produit par Boumidjal, met en avant une timide guitare, et Ima, le dernier titre, est tiré de la BO du film éponyme. Bref, et sans surprise, le triomphe commercial annoncé risque bien de justifier l’adage : jamais deux sans trois.